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Arbres et environnement autour de la Coupe du Monde 2022 : bilan et perspectives

2 ans après, on vous raconte l’histoire hallucinante de la forêt plantée par le Qatar autour de ses stades

13 min
Nature & Jardin
29 May 2025 à 8h56

En 2022, le Qatar a planté 1 million d’arbres pour compenser les émissions de la Coupe du Monde. Mais entre promesses non tenues, greenwashing et scandales, le pays fait face à une levée de boucliers sans précédent. On vous raconte l’histoire hallucinante de la forêt du Mondial. Et pourquoi elle pourrait bien devenir un modèle à suivre.

Plantation d’arbres autour des stades du Mondial 2022 : faits et chiffres clés

Nombre total d’arbres plantés et surface végétalisée

Dans le désert écrasé de chaleur où s’élèvent les stades flambant neufs de Doha et Lusail, les chiffres annoncés par le Supreme Committee for Delivery and Legacy ont de quoi faire tourner la tête : plus de 16 000 arbres plantés entre 2019 et la fin 2022, principalement autour des complexes sportifs. On nous vante plus de 850 000 m² de zones végétalisées – pour situer, cela équivaut à environ 120 terrains de football alignés! Mais soyons honnêtes, il y a parfois loin du palmier au résineux… Si Doha se targue d’une "ceinture verte" urbaine (environ 5000 arbres), c’est à Lusail que se trouvent les plus grands bosquets alignés : près de 7000 sujets jalonnent avenues et parkings, créant une ombre relative mais photogénique.

  • Doha (zones sportives principales) : env. 5000 arbres – ~300 000 m²
  • Lusail (stade + avenue principale) : env. 7000 arbres – ~400 000 m²
  • Autres sites périphériques : env. 4000 arbres – ~150 000 m²

Rangées d’arbres sidra et acacia alignées le long d’une avenue du stade Lusail

Variétés sélectionnées : sidra, figuier, acacia et autres espèces adaptées

Alors pourquoi planter du sidra ou du figuier dans un coin où la pluie fait la grève ? Parce que ces espèces méditerranéennes ou soudanaises sont réputées pour leur incroyable résilience à la chaleur, aux vents salins et à un sol franchement peu amical… Le sidra (Ziziphus spina-christi) est même un emblème local, utilisé depuis des siècles dans la pharmacopée bédouine! Les acacias soudanais forment des racines profondes qui stabilisent le sable, tandis que le figuier supporte mieux l’aridité que nombre d’espèces importées d’Europe. Côté séquestration carbone, leur contribution reste modeste à court terme (allez savoir pourquoi on ne choisit pas systématiquement l’eucalyptus ou le peuplier, bien plus voraces en CO₂ capturé…), mais ils assurent une fixation solide du sol et créent des îlots vivants pour une faune locale timide.

Gros plan sur les feuilles de l’arbre sidra et un figuier en plein désert

Les chiffres officiels affichent fièrement une forêt miniature plantée au pied des stades qataris. Pourtant, entre l’effet d’annonce et l’enracinement réel, il reste un long chemin à parcourir.

Objectifs écologiques et neutralité carbone revendiquée

Le concept de neutralité carbone expliqué

Rares sont ceux qui, un matin de brouillard sur le Trégor, ont pris le temps de décortiquer la notion de neutralité carbone… Pourtant, c’est bien cette promesse qui a été brandie par le Qatar et la FIFA à l’approche du Mondial 2022. En substance ? Il s’agit d’équilibrer les émissions de gaz à effet de serre générées par l’événement (construction des stades, transports, hébergement, climatisation…) avec des mesures compensatoires – principalement la plantation d’arbres et l’achat de crédits carbone. Le bilan carbone est calculé en additionnant toutes les sources d’émissions directes et indirectes ; chaque tonne équivalente CO₂ émise doit alors être "annulée" ailleurs.

Mais franchement, entre nous, prétendre que quelques milliers d’arbres plantés ou des certificats achetés sur un marché mondialisé suffisent à effacer un tel tsunami énergétique ? On a connu plus rigoureux. Cela dit, la végétalisation, si elle est conduite intelligemment (choix des espèces locales, entretien minimaliste), permet bel et bien de capter du CO₂. Ce n’est ni instantané ni miraculeux : on parle d’un stock qui se construit lentement dans les tissus ligneux… Les émissions évitées grâce aux arbres restent donc une goutte dans l’océan si elles ne sont pas couplées à une réduction drastique des postes les plus émetteurs – transport aérien en tête !

Méthodes de compensation: de la pépinière aux crédits carbone

Pour compenser ce gigantesque "fossé carbone", deux grandes approches coexistent : la séquestration biologique (via la plantation d’arbres ou la restauration de zones humides) et l’achat de crédits carbone auprès de projets certifiés. Au Mondial qatari, cela s’est traduit par une multiplication des pépinières urbaines doublée d’un recours massif au marché international du crédit carbone.

Prenons un peu de recul (et une tasse de cidre) pour visualiser le cycle : le CO₂ capturé par chaque arbre planté est très progressif… tandis qu’un crédit acheté peut être attribué à n’importe quel projet planétaire validé – parfois même sans impact local tangible. Les coûts varient énormément : planter local coûte souvent trois fois moins cher que d’investir dans certains crédits internationaux labellisés "gold standard".

Méthode Coût moyen (€/tonne CO₂) Séquestration réelle/an Impact local
Plantation locale 7-15 Faible la 1ère décennie Fort
Crédits internationaux 20-35 Immédiate sur papier Variable
Restauration zones humides 10-18 Modérée mais stable Très fort

Anecdote bretonne : En Centre-Bretagne, une association villageoise a préféré investir dans la restauration d’une tourbière plutôt qu’acheter des crédits – bilan : stockage durable ET retour des libellules !

Critiques et accusations de greenwashing autour du Qatar 2022

Incohérences entre promesses et bilans réels (Carbon Market Watch, Global Carbon Project)

Pour qui a épluché les chiffres du Qatar 2022, le fossé entre l’affichage officiel et la réalité fait franchement grincer des dents. Carbon Market Watch a dévoilé que le calcul des émissions officielles était « largement sous-évalué » : des pans entiers comme la construction ou l’entretien des stades flambant neufs n’étaient parfois même pas pris en compte. Les études de Global Carbon Project vont encore plus loin, accusant une opacité persistante sur la comptabilisation réelle du CO₂ émis. Citons The Guardian, qui a épinglé les responsables qataris pour avoir minoré jusqu’à 50% l’empreinte carbone publiée ! Même Bloomberg Intelligence remet sérieusement en question la prétendue neutralité carbone, évoquant un modèle « purement déclaratif » sans soutien méthodologique solide – soyons clairs, on est loin du sérieux d’un audit écologique à la bretonne…

Spot « Save The Planet » vs émissions réelles de MtCO2e

Dans un clip tapageur baptisé « Save The Planet », le Mondial s’arrogeait l’image d’un événement vertueux – plan large sur palmiers plantés et slogans martelés à coup de pixels verts. Mais la réalité ? Les émissions totales ont dépassé les 3,6 millions de tonnes équivalent CO₂ (MtCO2e) selon plusieurs enquêtes indépendantes – bien au-delà de ce qu’un simple écran publicitaire laisse présager !

Le greenwashing peut masquer les véritables émissions.

Entre slogans et bilans scientifiques, un gouffre subsiste : il ne suffit pas de planter trois arbres ni d’enfiler un maillot vert pour gagner la partie carbone.

Impacts cachés – construction, transport et climatisation de pointe

Bilan carbone de la construction des stades (Lusail, Khalifa…)

Soyons réalistes, la concrétisation de ces cathédrales sportives en béton au cœur du Qatar n’a pas accouché d’un miracle écologique. Le stade Lusail à lui seul aurait généré, selon diverses analyses critiques relayées par Amnesty International, jusqu’à 1 million de tonnes équivalent CO₂ lors de sa construction – et ce chiffre pourrait être sous-estimé si l’on intègre les matériaux importés.

« Malgré la verdure, la construction a généré près de 1 MtCO2e pour le seul stade Lusail, un coût invisible rarement pris en compte dans les communications officielles. »

Le Stade Khalifa (rénové à grands frais) et les autres arènes ultra-modernes affichent également un bilan lourd : ciment, acier, verre importés massivement et acheminés sur des milliers de kilomètres. Bref, on est loin des chaumières en torchis et kerterre du Kreiz Breizh ou d’une filière bois locale…

Photo aérienne du stade Lusail avec panneaux solaires sur le toit et larges avenues, vue désertique.

Émissions liées aux déplacements (spectateurs, matériel, avions)

Impossible de fermer les yeux sur l’empreinte carbone du ballet d’avions affrétés pour transporter supporters et officiels ! Les sources majeures du transport et leur poids estimé :
- Aviation internationale : Plus de 80% du trafic lié au tournoi ; jusqu’à 2 MtCO2e rien que pour les vols longs courriers.
- Déplacements locaux motorisés (bus climatisés, taxis) : Plusieurs centaines de milliers de trajets cumulés ; émissions estimées à plus de 0,3 MtCO2e.
- Fret logistique (matériel sportif/TV/accueil) : Des dizaines de navires et camions affrétés.
- Navettes internes événementielles : Un ajout loin d’être négligeable vu la dispersion géographique.

Petit détail qui fâche : si chaque spectateur avait planté un pommier local à son arrivée plutôt qu’embarquer dans une navette diesel… La forêt qatarie aurait vraiment eu meilleure mine !

Usage intensif de climatisation et consommation énergétique

On ne va pas se mentir : maintenir des stades ouverts à 23°C quand il fait plus de 45°C dehors frôle l’absurdité énergétique. Pour y parvenir, le Qatar a déployé une technologie dite "refroidissement par ventilation forcée avec panneaux solaires partiels" – mais la réalité ? La clim’ engloutit plus d’énergie qu’un village breton moyen en plein hiver !

Stade Système utilisé Consommation estimée (MWh/match) Proportion renouvelable (%)
Lusail Refroidissement ciblé + solaire 850 ~25
Khalifa Climatisation gainée 740 ~20
Al Bayt Tuyauterie sous-sols + solaire 700 ~28

Même avec des panneaux solaires flambant neufs sur certains toits (cf. image ci-dessus), le bilan reste très discutable : l’électricité fossile domine encore largement l’approvisionnement national. Franchement – on aurait préféré voir jaillir quelques murs en paille compressée ou toits végétalisés inspirés des granges finistériennes…

Comparaison avec d’autres grands événements sportifs

Coupe du Monde 2018 en Russie : retours d’expérience

Impossible de ne pas jeter un œil acéré sur la Coupe du Monde 2018 en Russie pour relativiser les promesses qataries… L’événement russe affichait un bilan carbone officiel de 2,16 MtCO2e, soit près d’un tiers de moins que l’édition qatarie. On nous a vanté la restauration de zones humides et la plantation de près de 190 000 arbres pour « compenser » les émissions, mais là encore, le calcul laisse songeur : entre propagande verte et réel ancrage, le delta est énorme. Peu d’informations fiables filtrent sur le taux de survie des plants ou leur gestion à long terme – soyons honnêtes, aucun suivi n’a été publié depuis.

Jeux Olympiques : bilans carbone et projets de reforestation

  • Analyse systématique des émissions (Tokyo, Londres)
  • Programmes pilotes de plantation urbaine (forêts olympiques au Japon)
  • ⚠️ Crédits carbone internationaux achetés massivement
  • ⚠️ Déficit chronique de transparence post-événements
  • Peu ou pas d’implication des communautés locales

Entre nous, si les comités olympiques savent remplir des tableurs Excel et publier des brochures verdoyantes, la réalité terrain reste largement perfectible… Qui se rappelle du nom d’un arbre planté à Rio ou Pékin ? Voilà qui est symptomatique du manque d’appropriation locale !

Vers des alternatives durables – leçons bretonnes et pistes d’avenir

Techniques de plantation respectueuses du sol (rotation, engrais verts…)

Si l’on quittait les dunes arides du Golfe pour humer l’humus profond des talus bretons, on verrait vite la différence ! Ici, la sagesse ancienne n’a pas attendu la mode du "green event" : la rotation des cultures – alterner légumineuses, céréales, lin et sarrasin chaque année – préserve l’équilibre microbien du sol. Les engrais verts (trèfle, vesce, phacélie) sont semés à l’automne pour couvrir et nourrir la terre pendant l’hiver. Résultat : un sol qui ne s’épuise pas, stocke mieux le carbone et retient naturellement l’humidité (détail non négligeable sous climat sec !).

Un autre secret bien gardé : le paillage à base de fougère ou d’ajoncs broyés. En Centre-Bretagne, même les terrains caillouteux retrouvent vie grâce à cette couverture végétale qui limite l’évaporation et abrite une faune discrète – hérissons, orvets… Allez savoir pourquoi ces pratiques sobres n’ont jamais franchi massivement les frontières qataries !

Impliquer les communautés locales et les ONG environnementales

Parlons franchement : aucune forêt durable ne pousse sans racines humaines profondes. En Bretagne, les associations comme "Bocage Paysan" ou "Vigie Nature" mobilisent bénévoles, écoles et paysans pour suivre la croissance des haies plantées… On s’y retrouve pour semer, pailler ou arroser lors de joyeux chantiers participatifs – rien à voir avec une opération marketing sur papier glacé !

Imaginons transposer ce modèle au Qatar : il suffirait d’impliquer écoles locales et ONG environnementales dès la conception des plantations. Sensibilisation concrète sur site, suivi citoyen via des applications dédiées,
et partage d’expériences inter-culturelles pourraient transformer chaque arbre en symbole d’ancrage collectif plutôt qu’en accessoire décoratif.

Étapes pour créer un programme de plantation participatif

  • Recenser les terres disponibles avec les autorités locales
  • Associer ONG environnementales locales/internationales dès le début
  • Organiser des ateliers sur les techniques adaptées au climat
  • Mettre en place un suivi régulier par les élèves/bénévoles
  • Communiquer transparence et résultats concrets auprès de tous

Conclusion : bilan et perspectives pour les futurs grands événements

Quitter le terrain de jeu qatari pour retrouver la lande bretonne, ça remet les idées en place : la vraie neutralité carbone ne se décrète pas à coups de communiqués ou d’opérations flash-green, elle se bâtit, patiemment, avec des choix cohérents et des ancrages locaux solides. Les grandes messes sportives ont le pouvoir d’inspirer, mais trop souvent, elles ratent leur but en oubliant l’essentiel : impliquer citoyens, écoles et associations pour donner aux arbres plantés une chance de survivre… et à la planète un vrai répit. Entre deux rafales de vent d’ouest, souvenons-nous que l’âme bretonne s’accommode mal des demi-mesures : du bocage au stade planétaire, seule une action enracinée laisse une trace durable.

Bénévoles bretons plantant des arbres dans un bocage
Agir localement pour compenser globalement !
Arbres et environnement autour de la Coupe du Monde 2022 : bilan et perspectives

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